A Camlaan Arthur s'endormit, à Camlean enfin il s'éveilla. Sur sa tête, nulle couronne désormais mais le souvenir d'une dernière bataille, d'un fils contre son père, d'un père tuant son fils. Tant de fois les poètes ont chanté cette malédiction, et nombreux sont ceux à l'avoir pourtant oublié. Mordred, fils maudit, fils incestueux d'un roi ayant unifié pour la toute première fois les peuples de Bretagne, Mordred voulant la couronne lui aussi, rejetant la foi du Christ et devenant le Champion des sorcières, des fées et de tout l'Ancien Peuple.... Mordred, son enfant.

Son chevalier aussi, lui parmi tant d'autres, et Camelot était leur foyer pour cet avenir meilleur qu'ils construisaient. Tellement de souffrances aussi parmi eux, les amours parjures, les trahisons, la fin d'un monde...  Il y avait eu les beaux yeux de Guenièvre et le courage de Lancelot, la sagesse de Gauvain pour la mélancolie de Galaad. Il y avait eu Bohort, Kay, Bedivere... Combien d'entre eux avait-il déçu ? Tous, absolument tous... Car Arthur était mauvais roi, empli de désirs et de passions pour les richesses de ce monde. Le Graal lui était apparu avant de s'en détourner pour des cœurs plus tristes, plus purs...

Oh Perceval....

A Camlaan des chevaliers avaient choisi de le trahir, de s'allier à Mordred et il le méritait, comme il le méritait. Pour les cheveux en flammes de Guenièvre sur le bûcher, pour Elaine se jetant du haut d'une tour pour disparaître dans les secrets du lac...

Pour Morgane, à qui l'on avait interdit d'aimer afin qu'elle tienne les fils de sa destinée.

Et Mordred était mort dans ses bras, l'appelant Père une dernière fois lorsque jamais Arthur ne l'avait nommé Fils, jamais...

Alors Arthur avait abandonné Excalibur et les cœurs agonisants de ses chevaliers, traîtres comme amis. Il y avait Morgane, sa sœur, son amie, sa maîtresse, sa rivale aussi, et comme une mère elle le berça jusqu'au plus long des sommeils. Il voulu mourir mais n'y parvint pas, car il était le roi destiné à se réveiller, ainsi l'avaient décidé les dieux, pas ce Christ en croix qu'Arthur avait prié avec ferveur, mais Cernunnos aux bois de cerfs et au cœur sauvage de meurtres et de forêts. Cernunnos pour qui un soir, Morgane s'était allongée, cuisses ouvertes, accueillant en elle le dieu sous la forme d'un roi, d'un jeune roi et d'un frère tout à la fois.

« Sous un autre ciel, Roi, tu t'éveilleras... Il te faudra reconstruire ton rêve, retrouver tes amis comme tes souffrances. Il te faudra te battre et aimer, perdre et tuer, et chercher, oui chercher encore. Trouve le Graal, alors les dieux s'affronteront pour régner à nouveau sur les monde.... »

Telle est la légende...

A Camlean, terre verdoyante et prospère, un homme s'éveille. Il se souvient de tout mais ne possède plus rien, son fardeau en a été décidé ainsi. Trouver les réincarnations de ses chevaliers, les empêcher de refaire les mêmes rêves, les mêmes erreurs et boire enfin au Graal porteur d'immortalité....oui, Arthur se le promet, il accomplira ce rêve non pas pour les dieux, mais pour sa propre gloire désormais.